Des choses

Un petit lot de sable blanc rapporté d’un séjour dans le Jura et retrouvé dans un village lacustre de l’âge du Bronze, une baguette d’if malhabilement taillée par un enfant pour jouer à l’arc il y a 5000 ans, une collection d’oursins fossiles réunie voici 3000 ans dont les formes ont inspiré la décoration de fusaïoles en terre cuite à l’âge du Bronze… Les pièces retenues pour l’exposition ne relevaient ni d’un thème précis, ni d’une culture particulière et encore moins d’une période spécifique – leur spectre chronologique s’étendait du Paléolithique à l’époque contemporaine. C’est le caractère exceptionnel et atypique de ces objets qui a conduit la commissaire de l’exposition et directrice-adjointe du musée, Géraldine Delley, à les sélectionner à la suite d’un appel international lancé auprès de collègues archéologues et historiens.

Loin de se contenter de l’émerveillement que peuvent susciter des objets rares et originaux, l’exposition « Des choses » visait à questionner la pertinence des catégories et des cadres analytiques dominants en archéologie. Les objets sélectionnés ramenait bien souvent à la banalité du quotidien de nos ancêtres, à des activités marginales ou encore mal circonscrites dans le champ de la recherche, soit parce que les traces matérielles manquent, soit parce que le sujet n’a pas retenu l’attention des archéologues.

Selon un scénario égrenant douze secteurs thématiques, ces pièces singulières remémoraient le parcours de personnes méconnues, réveillaient le souvenir de pratiques cachées et ressuscitaient des univers sensoriels oubliés. Mais l’exposition révélait aussi notre émerveillement immémorial pour le curieux et le beau, et questionnait notre rapport au temps.

Entre art et science, la nouvelle exposition du Laténium a réuni plusieurs artistes pour démultiplier les points de vue sur les objets exposés et enrichir les thèmes abordés. Scénographe, artiste visuelle, musicien et écrivain ont ajouté des niveaux de lecture entre le propos archéologique et le public, sans trahir pour autant la réflexion scientifique. Adrien Moretti, scénographe de théâtre, a développé une mise en scène immersive, fonctionnant sur un modèle labyrinthique. Cette scénographie laissait le spectateur libre de déambuler, de se perdre et de se retrouver à sa guise autour des objets et dans un monde organique, caverneux et romantique. L’écrivain Eugène a contribué par ses textes au développement de l’imaginaire, révélant la poésie des objets qui était au cœur du concept de l’exposition. C’est sous la forme d’un audioguide que l’on a pu découvrir ses récits fascinants, drôles, intimes et touchants. Les projections oniriques conçues par l’artiste visuelle Sophie Le Meillour invitaient le public à visualiser l’accumulation des sédiments et la lente dégradation des matériaux. Enfin, le musicien Julian Sartorius a développé des créations sonores qui interprétaient à leur façon chacune des 12 thématiques de l’exposition. Les sons se superposaient les uns aux autres, créant une œuvre sonore unique.

Livre d’exposition